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le
royaume perdu de |
Sites
archéologiques autour de Chachapoyas - Masque funéraire
d'une momie Chachapoyas.
Actuelle capitale du département péruvien d'Amazonas, Chachapoyas, perchée à 2335 m d'alt. fut le centre d'une région où se développa une civilisation pré-incaïque encore fort mal connue il y a peu et dont on commence à découvrir toute l'ampleur. L'aire de la civilisation Chachapoyas s'étendait entre la rive droite du Haut Marañon (qui formait une frontière naturelle avec le royaume voisin des Cajamarcas) et occupait tout le le bassin du rio Uctubamba, affluent du Marañon. Au Nord, dans les terres basses et chaudes, vivaient les indiens Bracamoros, qui sont considérés comme une branche du peuple Chachapoyas. Tout un pays de forêts d'altitude, aux reliefs tourmentés et aux vallées encaissées, séparées par des cols ou des défilés réputés infranchissables : c'est la géographie de la Selva Alta - aux paysages d'ailleurs magnifiques - qui fut longtemps le meilleur rempart du royaume de Chachapoyas.
Cette tranquillité allait être mise à mal par le désir expansionniste des Incas, qui remontant la vallée du Haut Marañon, finirent par pénétrer dans la province au début du 15e siècle. Ils eurent le plus grand mal à venir à bout des indiens Chachapoyas ou Chachas, qui furent finalement soumis et intégrés à l'empire après plusieurs campagnes, longues et difficiles dont la dernière fut menée par l'Inca Tupac Yupanqui vers 1475. Même après cette date, ils se rebellèrent souvent. Peu avant l'affontement décisif à Cajamarca entre Pizarro et Atahualpa en 1532, ce dernier avait demandé au conquistador, en gage de bonne volonté, d'aller l'aider à combattre les Chachas qui s'étaient une nouvelle fois révoltés contre l'autorité de l'Inca. En définitive, ce furent les Chachas qui s'allièrent aux Espagnols, et ils refusèrent même de prendre part à la grande rebellion de Manco Inca en 1536.
On ne connait guère
l'histoire des Chachapoyas avant l'arrivée des incas et les
premiers écrits relatif à ce peuple sont
évidemment celles des chroniqueurs espagnols. Voici ce qu'en
dit Garcilaso de la Vega (Commentaires Royaux , VIII,1) :
"Après que l'Inca eut levé une armée et
désigné un lieutenant pour gouverner Cuzco en son
absence, il s'en alla à Caxamarca, pour entrer par là
dans la province de Chachapuya, mot qui selon le père Blas
Valera signifie : bien remplie d'hommes forts. Située à
l'orient de Caxamarca, elle était peuplée de gens
nombreux et très vaillants, les hommes de fort bonne prestance
et les femmes extrêmement belles. Ces Chachapuyas adoraient des
serpents, et avaient le condor pour principal dieu. Tupac Yupanqui
désirait assujettir cette province à son empire parce
qu'elle était très riche; elle avait alors plus de
quarante mille habitants. Elle est fort
accidentée".
La culture des Chachapoyas était, parait-il, déjà florissante au début de notre ère : ils auraient eu de merveilleux artistes en textile et en orfèvrerie, aussi adroits que ceux de l'empire Chimú. Mais surtout, ils édifièrent l'une des plus formidables forteresse du Pérou précolombien, dont les ruines grandioses subsistent encore : celles de Kuélap dans le bassin supérieur du Rio Marañon, ainsi que des sépultures tout à fait originales, présentant des momies recouvertes d'argile placées dans des niches , soit naturelles, soit creusées dans de hautes falaises dominant les vallées. Ces curieux monuments funéraires, connus sous le nom de "Purumachus" furent signalés pour la première fois par le suisse Adolphe Bandelier, en 1893. Les sites les plus connus en sont Karajia, Lamud et Chipuric au Nord-est de l'actuelle ville de Chachapoyas, qui ont été étudiées par F. Kauffmann Doig dans les années 1960-1970.
Les murailles de Kuélap
Site emblématique de la civilisation Chachapoyas, les ruines de la forteresse de Kuélap, à 38 km au Sud de la ville ont été découvertes en 1843 par Juan Crisostomo Nieto. Il fut ensuite visité et décrit par Raimondi (1860) Middendorf (1866) Charles Wiener (1881), Adolph Bandelier (1883) pour ne citer que les premiers.En 1967, alors que le site était en partie recouvert par une épaisse végétation, des travaux de dégagement et des fouilles y furent conduits par l'archéologue A. Ruiz Estrada.Ce fut probablement, sinon la capitale, du moins le plus vaste édifice du royaume des indiens Chachas et il dut servir à la fois de citadelle, de centre cérémoniel et de dépôt agricole.
De Chachapoyas, on s'y rend en prenant la route de Leimebamba. Peu avant le village de Tingo, à droite, une piste difficilement carrossable sélève au dessus de la vallée du rio Uctubamba jusqu'au hameau de Maria ( 1 H de piste) et se poursuit jusqu'au pied du site. De là, un sentier mène, après 15mn de marche, à un vaste ensemble en forme d'ellipse allongée, orienté Nord-Sud, qui couronne le sommet d'un cerro abrupt de roches crétacées à 3072 m d'altitude. La forteresse, aux proportions colossales (c'est un ovale mesurant 580 m de long sur 100 m de large), est constituée de plusieurs terre-pleins d'une largeur de15 à 20 mceinturés d'un gigantesque rempart de pierre qui atteint parfois 15 m de hauteur.
Le matériau employé est un
granit rose dont les blocs sont assujettis par un mortier d'argile
jaune. Les deux murailles principales représentent plus
de 100 000 blocs de pierre taillées dont on estime le poids
total à dix mille tonnes.
La forteresse de Kuelap est surtout fameuse pour son système
d'entrée : il s' agit d'un étroit couloir de 35 m de
long, surplombé de bastions et de tourelles qui monte vers la
plateforme supérieure tout en se rétrécissant,
de sorte que d'éventuels assaillants n'auraient pu y passer
qu'en file indienne, exposés à une grêle de
pierres et de flèches lancées des parapets. En
supposant qu'ils aient pu franchir ce premier obstacle, une seconde
difficulté, en forme de piège mortel, avait
été ménagée par les architectes de Kuelap
: la seconde porte donne accès à une rampe en forte
déclivité qui semble conduire à la plateforme
supérieure de la forteresse, mais s'achève en fait...
sur un précipice.
A l'intérieur, on compte plusieurs
centaines de maisons de forme circulaire (on en a
dégagé seulement une trentaine) qui abritèrent
peut-être une population de 2000 à 3000 habitants. Ils
sont répartis sur deux niveaux le Pueblo Bajo et le Pueblo
Alto, ce dernier édifié sur une terrasse
supérieure. Il semble avoir été le quartier des
dignitaires mais avait aussi une vocation militaire : on y trouve une
grosse tour carrée denommée le "Torréon"
de forme carrée, plus large à la base qu'au sommet, qui
semble avoir fait office de donjon et de tour de guet.
Parmi les constructions du Pueblo Bajo, se distingue une grosse
construction circulaire évasée, dite El Tintero
(l'encrier) qui comprend une mystérieuse chambre souterraine.
Un autre a été reconstitué d'après son
aspect original, avec un haut toit de chaume pointu.
Les momies du lac des
Condors et le Museo Mallki à Leimebamba
Au bout de la
vallée du rio Uctubamba, Leimebamba, nichée
à 2900 m d'alt, est une très agréable petite
bourgade qui s'enorgueillit depuis peu de son Museo Mallki
(mallki signifiant momie). L'histoire et l'existence
même de ce musée, devenu l'une des attractions majeures
de la région, a fait l'objet d'une vaste controverse
archéologique. La chose mérite d'être
contée dans le détail et le plus objectivement possible
:
Sur la pente rocheuse dominant le Lac des Condors, situé à 10 H de piste au Sud-Est de Leimebamba, l'archéologue F. Kauffman Doig découvre, en Mai 1997, une vaste nécropole perchée à mi-hauteur, sur la falaise. A l'intérieur de petits mausolées funéraires ou "chullpas", il y dénombre près de 280 momies conservées dans leurs "fardos" funéraire et effectue un relevé précis des lieux. Soucieux de laisser les lieux en l'état, il présente auprès de l'INC (Institut National de Culture du Pérou), de retour à Lima, un projet consistant à ériger les mausolées du lac des Condors en "zone archéologique protégée", où les momies seraient soigneusement restées à leur place.
Avant le retour de F. Kauffman Doig sur les lieux, en Octobre 1997, une archéologue native de la région, Sonia Guillen (que Kauffmann Doig traitera de "pseudo-archéologue" ) soutenue par des intérêts locaux, fait enlever la quasi-totalité des momies du site : elles sont emballées dans des sacs de ciment ou de farine et redescendues à dos de cheval et de mule avant d'être entreposées un temps dans une maison particulière de Leimebamba. Les protagonistes financent l'expédition en vendant les droits d'un film réalisé lors de cette opération à la chaîne "Discovery Channel" ...
Jusqu'ici, on ne peut que donner raison à Kauffmann Doig qui s'éleva haut et fort contre le détournement d'un patrimoine archéologique à des fins qu'il supposait bassement mercantiles. La suite de l'histoire a prouvé que si sa position était intellectuellement correcte, elle manquait en fait de pragmatisme (car les momies du lac des Condors auraient tôt ou tard fait l'objet de pillages) et ne prenait pas en compte une autre dimension - cette fois-ci humaine et sociale du problème : le droit des natifs d'un lieu à se réapproprier leurs ancêtres.
Aujourd'hui, les momies du lac des Condors, sont disposées
-- avec une partie des objets précieux qu'elles
contenaient -- dans les vitrines de ce "Museo Mallki"
que l'on cite comme un modéle de "coopérativisme"
(construit par les habitants et appartenant à la
communauté de Leimebamba) mais aussi de pédagogie. La
salle des momies, qui est la dernière, est en effet
précédées de plusieurs salles où la
culture Chachapoyas est expliquée dans le détail
à l'aide de plans, de maquettes et d'objets remarquables.
Au vu du résultat, qui pourrait donc encore dénier, ou
même reprocher aux actuels descendants des anciens Chachapoyas
d'avoir appelé leurs ancêtres à la rescousse
(même s'il a fallu les bousculer un peu) pour attirer du monde
dans l'espoir d'améliorer leur quotidien; surtout dans cette
région aussi enclavée et pauvre du Nord du
Pérou...
Un intéressant site à consulter (en espagnol), consacré à l'archéologie de la région amazonienne du Pérou, est celui de l'Instituto de Arqueología Amazónica, dirigé par l'archéologue F. Kauffmann Doig : http://www.lanzadera.com/iaa
Sur les débuts l'affaire des momies du lac des Condors , on
peut consulter la page web consacrée aux prises de position du
même F. Kauffman Doig :
http://www.lanzadera.com/momias1
Plus particulièrement consacrée au site de Revash,
la page de l'Instituto de Arqueologia Amazonica :
http://www.lanzadera.com/revash
Un site très intéressant, surtout pour sa gallerie
de photos des sites de Karajia, Kuelap et Revash et qui contient en
outre des cartes très détaillées de la
région de Chachapoyas, avec l'emplacement des sites :
http://pluto2000.com/kuelap/index2.html
Exploring Lost
Civilizations
Information sur les expéditions menées par Gene Savoy,
Frank Ciampa et Gary Ziegler dans le département d'Amazonas
(en anglais).
Chacha
Picchu, New Discoveries in Amazonas, Peru
Page de Peter Frost consacrée aux
récentes découvertes archéologiques dans la
région de Chachapoyas (en anglais)
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