Momies et rites funéraires
dans l'ancien Pérou


Quels lecteurs de Tintin n'ont pas lu "Le Temple du Soleil" et frissonné devant la fameuse momie de Rascar Capac ? Si ce dernier n'a pas existé, les momies quant à elles, sont toujours là - moins maléfiques heureusement - et continuent, au fil des découvertes archéologiques à lever le voile sur les cultures anciennes du Pérou.


Momies déterrées par les "huaqueros" dans la pampa de Nazca.

Pour ces cultures, la force vitale de l'être humain ne disparaissait pas avec la mort : son esprit rejoignait ses ancêtres dans l'au-delà et il faisait bénéficier les survivants d'une sorte de protection souterraine et éternelle. Aussi vénéraient-ils les dépouilles de leurs morts dans un culte d'une immense importance pour les sociétés andines, celui des momies ou "mallquis". Seuls les personnages importants y avaient droit. Les corps étaient embeaumés et les viscères conservées dans;dans des réceptacles du type des vases canopes égyptiens. Le corps était rempli de goudron puis désséché par une exposition successive au froid, la nuit, et au soleil, le jour. Sur la côte péruvienne, l'extraordinaire état de conservation des momies est essentiellement dû au climat aride et sec de cette région, quasiment privée de précipitations. Les dépouilles, soigneusement empaquetées, étaient couvertes de bijoux et de tissus précieux.

La momification des défunts n'est pas une invention des Incas, qui s'en servirent pour déifier la dynastie de leurs ancêtres, amalgamant étroitement le culte solaire avec celui des morts pour mieux affermir les fondements religieux de leur théocratie. Des peuples bien plus anciens la pratiquèrent avant eux, on peut même dire depuis la préhistoire du Pérou.

Les peuples de la côte Nord et Centre notamment, avaient atteint dans ce domaine un degré de luxe et de magnificence que n'ont pas égalé les Incas. La découverte de la tombe du Seigneur de Sipan, par Walter Alva en 1988, à révélé que les princes Mochica se faisaient embaumer et ensevelir dans des sépultures de style pharaonique, recouverts de bijoux, entourés de leurs femmes, de gardiens et de serviteurs. Avant cela, la découverte au 19e siècle de la nécropole d'Ancon au Nord de Lima fut rendue célèbre par le magnifique ouvrage des allemands Reiss et Stubel "Les Sépultures d'Ancon" paru en 1880,puis celle de Paracas par Julio C. Tello avaient déjà rendu célèbres les momies péruviennes, les plus anciennes de ces sépultures remontant à plus de 1000 ans avant J.-C.

Qu'est-ce qu'un"Fardo funéraire"?
Il s'agit d'une sorte de sarcophage de toile enveloppant généralement une momie (ou plusieurs), ou un simple "enterrement symbolique". Le fardo est composé d"un nombre plus ou moins grand de pièces de toile de coton blanc, de tuniques (coton ou laine teints), peintes ou brodées, d'unkus en plumes de perroquets, et de filets de totora. Certains sont surmontés de "fausses têtes" (Lima, Ancon) ou de masques de bois taillé. 
Le fardo péruvien contient en général des bourses à coca et graines magiques, des épis de maïs, des feuilles de pacae, parfois une peu de bête (renard), un chien ou un oiseau momifié, des bijoux et ornements, flûtes d'os ou de roseau, etc.
Parfois, on leur adjoignait des statuettes ou des poupées représentant leurs enfants ou leurs familiers, comme les fameuses "poupées Chancay"


JUANITA, la momie des glaces
Dans la région d'Arequipa (Sud du Pérou), en 1995, l'archéologue et alpiniste américain Johan Reinhard découvrit, dans la calotte glaciaire du Nevado Ampato, à 6300 m d'altitude, la momie d'une jeune fille inca sacrifiée à l'âge de la puberté.
Ramenée dans la vallée d'abord à dos d'homme, puis à dos d'âne, celle qui fut appellée "Juanita" ou encore "la momie des glaces" se révéla être pour les scientifiques un véritable trésor d'informations. En effet, les très grands froids qui sévissent à ces altitudes avaient gardé le corps de Juanita dans un parfait état de conservation. Ses tissus et liquides organiques étant pratiquement intacts, les bactéries et les virus qu'ils contenaient permirent de livrer des indications sur l'état sanitaire des populations indiennes de l'époque et le contenu de son estomac donna un aperçu de l'alimentation d'alors.
En 1996, Johan Reinhardt récidiva, avec la découverte d'une autre momie de jeune fille, "Sarita", découverte sur les hauteurs du Nevado Picchu Picchu, au- dessus d'Arequipa.


La momie de "Juanita", après sa découverte.

En mars 1999, johan Reinhardt - toujours lui- met à jour trois momies d'enfants au sommet du volcan Lluillaillaco, à la frontière du Chili et de l'Argentine; à leur côtés, il découvre trente-six statuettes d'or et d'argent, des céramiques, des tissus et des coquillages. Cette découverte à fait l'objet d'un article dans National Geographic, version française, n°2 (Nov. 1999).

les Purumachus
Nom donné aux sépultures pré-incaïques de la région de
Chachapoyas, présentant des momies recouvertes d'argile, comme des sarcophages, disposées en position debout, le plus souvent serrées les unes contre les autres dans des niches, soit naturelles, soit creusées dans de hautes falaises dominant les vallées. Elles furent signalés pour la première fois par le suisse Adolphe Bandelier, en 1893. Les sites les plus connus en sont Lamud et Chipuric au Nord-est de l'actuelle ville de Chachapoyas. Elles ont ensuite été étudiées par l'archéologue F. Kauffman Doig, qui a réalisé sur le sujet de nombreux reportages photographiques et a mis en lumière des influences provenant de la culture de Recuay (Callejon de Huaylas) et de Tiahuanaco-Huari.


la nécropole de l'Urbanización Tupac Amaru
La dernière grande découverte en date a été publique par la revue National Geographic (Mai 2002). A la sortie Est de Lima et sur des terres attenantes au site déjà bien connu de Puruchuco, dans le bidonville de Tupac Amaru, a été mise à jour au début 2002, une vaste nécropole souterraine, d'une importance comparable à celles d'Ancon et de Nazca, livrant à ce jour plus de 120 momies enveloppées dans leur "fardo" funéraire. Les momies sont contemporaines de l'époque inca (15e siècle). Les archéologues ont baptisé la zone du vocable de Puruchuco-Huaquerones (ce mot signifiant "excavations").

Bibliographie :

Johan REINHARD : High-Altitude Archaeology and Andean Mountain Gods, The American Alpine Journal, 1983

Ferdinand ANTEN : Ancient Peruvian Textiles. Thames and Hudson, London 1984.

Juan SCHOBINGER : "Sacrifices of the High Andes," Natural History, April 1991.

National Geographic 187/3 -- march 1995 : Chinchorro mummies (découverte d'une culture contemporaine à celle de Nazca, allant du Sud pérou jusqu'au Chili, remarquable par ses rites funéraires).

National Geographic 189/6 -- june 1996 : Peruvian mummies (découverte de la momie "Sarita" au sommet du Nevado Ampato, par l'équipe de Johan Reinhard).

National Geographic 191/1 -- january 1997 : Peruvian mummies (suite du précédent).

David SCHRIEBERG & Sharon BEGLEY : "Children of the Ice," Newsweek. Nov. 6, 1997. p.72-74.

National Geographic (France) 1/2 -- nov. 1999 : Trois enfants incas figés pour l'éternité (article de Johan Reinhard).

National Geographic (France) 3/12 -- sept. 2000 : Tombes célestes du Pérou. Le rite funéraire des Chachapoyas

National Geographic -- mai 2002 : Inca rescue. Mise à jour et sauvetage de la nécropole de Puruchuco-Huaquerones, récemment découverte sous le bidonville de Tupac Amaru, à la périphérie de Lima.


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