L'oracle de PACHACAMAC


Selon des mythes très anciens rapportés par les chroniqueurs espagnols, le dieu Kon, fils du Soleil et de la Lune, venu du nord par la mer et qui n'avait ni os ni chair, créa le monde et les premiers hommes. Pour les châtier de leur inconduite à son égard, il aurait attiré la malédiction sur leurs terres en les privant de pluies. C'est alors qu'apparut le dieu Pachacamac, le "Soutien du Monde", qui transforma les habitants de la côte en animaux et créa une nouvelle humanité. Celle-ci, reconnaissante, lui dédia dans la vallée du Lurin, un sanctuaire qui attira des foules de pèlerins.
Pour les anciens péruviens, Pachacamac était l'animateur du Monde. Non pas le Créateur dans un sens judéo-chrétien, mais le dieu qui met dans les êtres, les choses et le temps la puissance qui leur permet d'exister, de fonctionner et de durer. A l'origine, il n'est pas à confondre avec le dieu Viracocha.
Etymologiquement, le nom de Pachacamac est composé de Pacha qui est l'univers, et de camac , qui selon Cieza de Leon, veut dire "créateur". Mais Garcilaso de la Vega a tenté de corriger cette interprétation : selon lui, camac est le participe présent du verbe cama , qui veut dire "animer". Pachacamac serait donc "l'animateur et l'âme du monde".

Le site de Pachacamac
Au débouché de la fertile vallée du rio Lurin, entre la côte et la route Panamericaine Sud - juste en sortant de la banlieue Sud de Lima - se dressent les ruines de ce qui fut l'un des plus prestigieux sanctuaires du Pérou précolombien, consacré à Pachacamac, "Celui qui maintient le monde" en quechua. Avant la conquéte inca, au 15e siècle, il fut probablement designé sous le nom d'Irma, un dieu-créateur qui exprimait des oracles.

Du mythe à l'archéologie
Culturellement, la civilisation attestée à Pachacamac dans les temps les plus anciens appartient à celle d'Ica-Nazca (200 à 900 après J.-C.), avant d'être influencée par la culture de
Tiahuanaco-Huari lors de son avancée sur la côte. A partir du 13e siècle, Pachacamac fit partie d'une confédération ou d'un royaume indépendant qui s'étendait au Nord jusque dans la vallée du Rimac, où se trouve aujourd'hui Lima. Lors de la conquête de cette partie du littoral par l'Inca Tupac Yupanqui, ce royaume était gouverné par un certain Cuismancu, qui offrit sa soumission. En échange, l'Inca respecta le sanctuaire et sa divinité, qui fut identifiée au dieu Viracocha. Un temple du Soleil y fut alors construit. De somptueuses donations en firent le temple le plus fameux de l'empire après celui du Coricancha, à Cuzco. Les Espagnols, qui visitèrent le sanctuaire pour la première fois en 1533 - la fameuse expédition d'Hernando Pizarro de Cajamarca à Pachacamac, relatée par Miguel de Estete - pillèrent ses trésors et entreprirent sa démolition.

Temple de Pachacamac, ou "Templo Viejo"
Grâce à Miguel de Estete, qui accompagna le conquistador Hernando Pizarro lors de sa visite à Pachacamac, en janvier 1533, nous savons que ce temple renfermait une idole principale en bois, barbouillée de sang, dans un local sombre et puant dont les murs étaient revêtus de plaques d'or, tandis que les ustensiles rituels étaient fabriqués dans le même métal.
Partie la plus ancienne du site, le temple lui-même est une immense structure artificielle de plan ovale, constitué de centaines de milliers de briques d'adobe, probablement modelées à la main : il remonterait à la culture
Maranga-Lima (vers 500-700). Il est aujourd'hui presque complètement recouvert par le sable.
L'idole de Pachacamac, qui est en fait la partie supérieure d'un long bâton de bois sculpté, représente un personnage biface coiffé d'un bonnet : on l'attribue à une expression locale de la culture de Tiahuanaco-Huari, baptisée Huari-Ichimay (entre 1100 et 1300). Elle est conservée dans l'une des salles du Musée de Pachacamac.

Temple de Urpi-Huachac (ou Urpiwachak)
Situé derrière le musée du site et à l'écart des autres constructions, près d'un étang aujourd'hui désséché, ce bâtiment presque entièrement détruit aurait été consacré, selon Julio C. Tello, à la déesse Urpi Huachac qui, selon d'anciennes légendes, était l'épouse du dieu Pachacamac.


L'idole en bois
de Pachacamac
et ses deux faces
.


Le "Temple peint"
Faisant face à la Place des Pélerins et dressé devant les temples de Pachacamac et du Soleil, cette structure rectangulaire, de taille plus modeste que ses voisines, présente une façade constituée de petites terrasses sur lesquelles on aperçoit encore des restes de peintures murales (très détériorées) ornées de motifs floraux ou marins. Jorge C. Muelle y inventoria 16 couches différentes de peinture, signe qu'elles furent restaurées, ou refaites, à l'époque où le site était dans sa splendeur. Le "temple peint" est considéré comme légèrement antérieur à la domination Inca, on l'attribue à la dernière période de la culture locale Huari-Ichimay (vers 1300-1500).

Temple de la Lune
Cet immense bâtiment restauré, doit cette appellation à Max Uhle qui l'identifia comme tel, mais cette attribution est loin d'être certaine. Il présente une architecture typiquement incaïque dans les sections de ses murs élevés en gros blocs de pierre soigneusement taillés et appareillés, et ses portes et ses niches trapézoïdales que l'on découvre depuis la cour du sanctuaire, derrière de solides piliers carrés qui devaient soutenir les toitures de galeries.

Acclahuasi
Restauré de fond en comble après les fouilles effectuées par
Julio C. Tello en 1940-1945, cet édifice fut élevé à l'époque incaïque en adobes sur des bases en pierre de taille, comme les constructions de Cuzco. Il aurait servi de monastère (acclahuasi) aux acclas, ou "femmes choisies", attachées au sanctuaire (des squelettes de femmes entourés d'un intéressant mobilier funéraire tend à démontrer que l'on sacrifiait des vierges, probablement au dieu Soleil). Depuis de petites cours intérieures, on remarque des rangées de grandes niches trapézoïdales, où l'on devait placer des offrandes et des idoles.


L'acclahuasi de Pachacamac, après sa restauration - Le temple du Soleil de Pachacamac, plan de George Squier.

Place des Pèlerins
Cette immense esplanade rectangulaire, où subsistent des files de tronçons de colonnes en adobes qui supportaient des toitures légères, servait peut-être de lieu de rassemblement et d'abri aux nombreux pèlerins qui venaient accomplir leurs dévotions dans les sanctuaires. Sans doute d'origine très ancienne, il semble qu'elle ait été complètement remodelée à l'époque des Incas.

Temple du Soleil
Cet imposant édifice pyramidal, en partie restauré, fut érigé par les Incas, probablement sous le règne de Tupac Yupanqui, et était consacré au dieu Soleil. Considéré comme le plus important après le fameux Coricancha de Cuzco, il ne comportait pas moins de six plateformes superposées en retrait, au-dessus d'un soubassement, dont la dernière supportait une chapelle. Sur ses murs sont encore conservés quelques vestiges de fresques.

Tauri Chumbi
A l'Est d'une voie que traverse aujourd'hui l'actuelle route Panaméricaine Sud, se trouvait le vaste secteur denommé Tauri Chumbi qui devait être occupé par des résidences civiles et une pyramide à rampe, peut-être réservées à un curaca du nom de Tauri Chumbi et à sa suite. Les vestiges de ce quartier sont les plus récents du site : ils sont les témoins du petit centre administratif que les Incas avaient établi à Pachacamac pour dominer la vallée du rio Lurin. L'endroit fut probablement mis à sac par Hernando Pizarro en 1533.



Le page (en espagnol) du site archéologique et du musée de Pachacamac :


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