CUZCO
...ou le "nombril du monde"


Le nom de la capitale inca, Ccoscco, hispanisé plus tard sous la forme de Cuzco , signifie en quechua le "nombril de la terre". Située à 3400 m d'altitude dans une haute vallée très fertile, la ville jouit, grâce à la proximité du tropique, d'un climat salubre et favorable à l'agriculture. Aujourd'hui classée "patrimoine culturel de l'humanité" pour la richesse de ses monuments incas et coloniaux, elle figure parmi les cités les mieux conservées de l'Amérique précolombienne.
Au début du 15e siècle, une intrusion sur le territoire de Cuzco de la redoutable tribu des
Chancas (qui occupaient le site de l'actuelle région d'Ayacucho) fut repoussée par l'Inca Viracocha. Les Chancas répétèrent leur attaque et parvinrent aux portes de la ville où ils furent finalement battus par Inca Yupanqui, fils de Viracocha, aux alentours de 1438. Ce dernier devint souverain sous le nom de Pachacutec.
C'est à Pachacutec que l'on doit en grande partie la physionomie actuelle de la ville de Cuzco, puisqu'il la fit reconstruire presque entièrement en vingt ans selon un plan en damier dont le périmètre aurait eu la forme d'un puma, avec des rues pavées et étroites. A cette époque (fin du 15e siècle) la ville comptait environ 200 000 habitants et était protégée par la forteresse de Sacsayhuaman qui pouvait abriter une garnison de 5000 soldats.

 
Cuzco :
Muraille de la Calle Loreto

La place centrale : le Huacaypata
Aujourd'hui site de la Place d'Armes de Cuzco, c'était au temps de la ville incaïque une vaste esplanade, centre de la vie publique de l'empire. Sa fondation remontant à deux mille ans environ, la légende qui voudrait que Manco Capac l'ait tracé lui-même pour délimiter le centre de sa nouvelle capitale. Au Nord-Est, il fit d'ailleurs construire son palais et ses dépendances dont il en subsiste d'imposants vestiges, adossés aux flancs de la forteresse de Sacsahuayman, constitués de murs en pierre, dont deux mesurent 88 et 90 m de long : ce quartier de Cuzco porte le nom de Collcampata.


Reconstitution moderne de l'Inti Raymi

Le nom quechua de cette place, qui signifie "le lieu des lamentations", serait probablement dû aux expressions de révérence ou de soumission que suscitait la présence de l'Inca lorsqu'il présidait, de son estrade, les grandes cérémonies militaires ou religieuses qui s'y déroulaient. De fastueuses fêtes agricoles avaient aussi lieu en cet endroit, coïncidant avec les solstices, les équinoxes, et diverses époques marquantes du calendrier inca. Avec ses quatre mille mètres carrés, elle était capable de contenir le peuple venu de toutes les provinces assister à l'Inti Raymi, au Capac Raymi et autres cérémonies officielles, qui pour les Incas étaient autant de manifestations de leur pouvoir.
C'était aussi du Huacaypata que partaient les quatre routes, chacune dirigée vers un point cardinal (suyo ) correspondant à une province de l'empire : le Tahuantinsuyo .

A l'extrêmité opposée, se dressait un édifice dénommé Amaru Cancha, du quechua amaru : serpent et cancha : terrain, enceinte. Le "Palais du Serpent", aujourd'hui remplacé par l'église de la Compagnie de Jesus et l'université, était jadis la résidence de l'Inca Huayna Capac. L'édification de ce bâtiment aurait été commencée sous le règne de l'Inca Tupac Yupanqui : il aurait été destiné à recevoir les grands serpents et les animaux exotiques que les caciques de l'Antisuyo apportaient à l'Inca en guise de soumission. Des serpents en haut-relief étaient gravés sur les murailles. Il en subsiste d'imposants vestiges : toute la muraille Nord-Est qui fait face à l'enceinte de l'ancien Acclahuasi , dans la rue Loreto, qui est la plus typique et la plus visitée de Cuzco.


La "Pierre aux douze angles" (photo de l'auteur)

Hatun Rumiyoc : la "Pierre aux douze angles"
Dans une autre rue de Cuzco, se dressent les murailles en pan incliné de ce qui fut la résidence de l' Inca Roca, nommé empereur vers 1350. L'appareillage mégalithique de ces murailles est formé de blocs polygonaux à l'assemblage si parfait que l'on ne pourait y glisser la pointe d'un couteau. De cet ensemble se dégage une formidable impression de solidité et de puissance.
Bien visible parmi ces blocs et presque au centre de la rue, se trouve la fameuse Pierre aux douze angles, appelée en quechua Hatun Rumiyoc ("la grande pierre") qui a donné son nom à l'édifice. Elle ne représente pas dans l'architecture inca un cas isolé : il existe ailleurs des pierres multiangulaires remarquables, mais celle-ci est la plus célèbre pour avoir été maintes fois évoquée par les chroniqueurs. Ces douze angles ont fait l'objet de nombreuses spéculations; l'on prétend par exemple qu'il représenteraient les douze mois de l'année.


Le Temple du Soleil

Il s'agit du fameux Coricancha de Cuzco, littéralement, en quechua : "Enceinte (cercle) de l'or". Dressé au centre de la capitale de l'empire Inca, cet édifice, dont subsistent d'importants vestiges qui ont récemment été remis en valeur, représentait le lieu le plus sacré de l'empire des Incas. Le temple du Soleil était le théâtre des cérémonies importantes des souverains Incas : mariages, sacres, funérailles. C'est là que leurs momies étaient conservées, assises sur des trônes en or. 
Il fut le plus vaste et le plus richement orné de son époque : ses grands murs de pierre, en appareillage inca, mesuraient 140 m de long sur 135 de large. Les chroniqueurs espagnols ont abondamment décrit ses richesses fabuleuses, avant qu'elles ne soient fondues ou éparpillées : le pourtour du temple, aux murs peints en bleu, était orné d'une énorme corniche en or de "deux paumes et quatre doigts de large", les autels, les portes, les statues, étaient décorées de planches d'or et d'argent, parfois incrustées de pierres précieuses qui, de jour comme de nuit, reflétaient la lumière du jour ou bien celle des torches.

Vestiges d'une porte du Temple du Soleil, dans l'actuel cloître de Santo Domingo
(photo D. Duguay).


La porte principale, ornée de motifs d'or et d'argent, s'ouvrait sur un grand sanctuaire qui aurait été reconstruit sous le règne de Pachacutec au 15e siècle, dont un mur arrondi en pierres taillées et jointes avec soin formait l'abside. Au-dessus de l'autel, étincelait un grand disque d'or, censé représenter le Soleil : il était "rond et grand comme la roue d'un char", rapporte le chroniqueur Gutierrez de Santa Clara. Il était placé de telle manière que les rayons du soleil levant le frappaient et le faisaient resplendir.

Du temple partaient des terrasses qui descendaient vers la rivière Huatanay. C'est là que se trouvait le jardin en or qui a provoqué l'admiration des conquistadors et qui est devenu pour tous les écrivains une source inépuisable de poésie. Tout y était en or : l'herbe, les fleurs, les arbres, les reptiles, les oiseaux et le berger lui-même, hommage rendu au Soleil dont l'or était l'émanation terrestre, concentration des offrandes des peuples vassaux, suprême témoignage de la puissance du dieu de lumière.

A l'arrivée des Espagnols, il fut rasé et pillé de fond en comble. Les plaques d'or couvrant les murs furent arrachées et les momies des anciens Incas profanées. Il ne resta debout que les fondations qui, peu après, servirent d'assise à la construction de l'église et du couvent de Santo Domingo.


Forteresse de Sacsayhuaman

 

Cette forteresse cyclopéenne qui se dresse sur une colline dominant la ville de Cuzco, fut érigée au temps des Incas, sans doute à l'initiative de l'inca Pachacutec et sur les plans de son architecte Huallpa Rimachi. L'oeuvre fut poursuivie sous le règne de Tupac Inca Yupanqui, et peut-être achevée sous celui de Huayna Capac. 20 à 30 000 hommes travaillèrent pendant 60 ans à sa construction.

Elle est composée de trois remparts parallèles longs de 600 m, disposés en zig-zag, lesquels sont constitués de blocs monolithiques, (le plus grand mesure 9 m de haut,5 m de large et 4 m d'épaisseur, pour un poids d'environ 350 tonnes) parfaitement assemblés et encastrés les uns dans les autres. Les enceintes, qui mesurent à peu près 360 m de long, sont reliées par des escaliers et des portes trapézoïdales. La technique utilisée pour transporter et assembler de telles masses reste un mystère.

En 1533, le chroniqueur espagnol Sancho Pedro de la Hoz écrivait à son sujet : "Dans tout le pays, vous ne trouverez pas de murailles aussi magnifiques. Elles sont composées de pierres si grandes, que personne ne peut croire qu'elles y aient été amenées par des êtres humains... Ni l'aqueduc de Ségovie, ni aucune autre construction réalisée par Hercule ou par les Romains ne peut être comparée à celle-ci...".

La forteresse était garnie de trois tours dont il reste les substuctions : la tour ronde de Muyomarca abritait l'Inca et sa cour pendant les périodes de méditation et de jeûne. Celle de Paucamarca avait une fonction religieuse et était vouée au culte du Soleil. Sa base au sol est constituée d'un cercle de pierres d'une douzaine de mètres de diamètre et d'une structure en étoile dont la signification n'est pas éclaircie. D'après la légende, elle était reliée au Coricancha (temple du Soleil) par un réseau de galeries souterraines. Celle de Sullamarca était réservée à la garnison et abritait des dépôts de nourriture, d'armes et de vêtements.
Devant la forteresse s'étend une vaste esplanade où a lieu tous les ans, le 24 Juin, une illustration de l'Inti Raymi, ou Fête du Soleil, dans un but qui n'est plus aujourd'hui que touristiques, mais n'en constitue pas moins un spectacle haut en couleurs et tout à fait grandiose.

Sous les murs de Sacsayhuaman se joua l'un des derniers épisodes de la conquête du Pérou. En 1536, lors du soulèvement de Manco Inca, les Espagnols qui tenaient le centre de Cuzco furent assaillis de toutes parts par des milliers de soldats incas. Ils réussirent de justesse à conserver leurs positions et tentèrent de desserrer l'étau par une contre-attaque sur Sacsayhuaman qui se solda par un échec : Juan Pizarro (le plus jeune des quatre frères) y fut mortellement blessé. La bataille donna lieu à l'héroique épisode du capitaine inca Cahuide, passé à la postérité : alors que les Espagnols assaillaient la tour où il s'était retranché avec plusieurs guerriers, il préféra sauter dans le vide et alla s'écraser au pied de celle-ci plutôt que de se rendre.
Le siège de Sacsayhuaman a été relaté par un témoin oculaire de la bataille, Pedro Pizarro (le cousin des quatre frères), dans sa chronique Relacion del descubrimiento y conquista del Peru , rédigée en 1571 :

Autres sites des environs de Cuzco :
Kenco (4 km)
Puca-Pucará (7 km)
Tambomachay (8 km)
Pisac (30 km)

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