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La Conquête espagnole |
Comment une poignée de
soldats espagnols dépenaillés parvint-elle
à soumettre la plus puissante des dynasties
d'Amérique du Sud et ses six millions de sujets ?
Sans doute parce que l'Empire inca était
déjà sur son déclin. Lorsque
Francisco Pizarro arriva au Pérou en 1532, le
pays se remettait à peine d'une terrible guerre
civile. |
![]() Le disque d'or du Temple du Soleil est joué aux dés entre les soldats espagnols (gravure du 19e s.) |
Les armes des Espagnols, leurs bateaux,
leurs chevaux, inconnus des Indiens, ne firent qu'accréditer
leur nature divine. Quand Pizarro invita Atahualpa à le
rencontrer sur la place de Cajamarca, ce dernier accepta sans
méfiance. Le rendez-vous était en fait un piège.
Pizarro et ses hommes, qui s'étaient embusqués en
attendant l'arrivée de l'Inca et de son escorte, les
accueillirent à coups de canon et par une charge de cavalerie.
Des milliers d'Indiens qui tentaient de s'enfuir furent
massacrés sans merci et Atahualpa fut lui-même
capturé.
Les conquistadores demandèrent une rançon
considérable en échange de la vie de l'Inca : le volume
d'une chambre remplie d'or et son double en argent. Les Indiens
parcoururent l'empire à la recherche de ces métaux qui
n'avaient pour eux qu'une valeur rituelle. Mais lorsque ses exigences
furent satisfaites, Atahualpa fut finalement exécuté au
terme d'une parodie de procés. Certains chroniqueurs affirment
que la mort de l'Inca fut tramée par un interprète
indien issu d'une ethnie hostile aux incas, qui, pour venger les
siens, traduisit de façon volontairement erronée
certaines informations. D'autres que Pizarro craignait que les
généraux d'Atahualpa, parmi lesquels les terribles
Quizquiz,
Ruminahui
et l'habile Chalcuchimac
n'orchestrent une révolte pour délivrer leur
souverain.
A la mort d'Atahualpa, l'empire inca
s'effondra. Les Espagnols marchèrent sur Cuzco dont ils
s'emparèrent le 15 Novembre 1533, mettant la ville
à sac, arrachant les lourdes plaques d'or qui ornaient le
temple du Soleil et profanant les momies des anciens
Incas. Ensuite, ils pillèrent systématiquent
l'empire, détruisant temples et oeuvres d'art. Cherchant une
capitale moins exposée et un port qui leur permettrait
à la fois d'expédier les richesses du Pérou vers
l'Espagne et d'en recevoir des approvisionnements ou du renfort,
Pizarro fonda Lima en 1535. Cette nouvelle cité allait
bientôt devenir le centre rayonnant de l'Amérique
espagnole. La grande révolte menée par Manco
Inca (un autre fils de Huayna Capac) en 1536 n'y changea rien :
il mit le siège devant Cuzco, mais ne parvint pas à en
chasser les Espagnols. Au contraire, ceux-ci le forcèrent a
trouver refuge dans l'inaccessible cordillière
de Vilcabamba.
Après de longues années de guerrilla, le dernier Inca,
Tupac Amaru y fut finalement capturé, avant d'être
éxécuté en 1572.
Les Indiens, répartis entre les conquisatores par le
féroce système colonial de l'encomienda,
furent réduits en esclavage et au travail forcé dans
les haciendas et dans les mines, la plus fameuse - et la plus
meurtrière - étant celle de Potosi, en Bolivie.
Le système d'agriculture collective, qui constituait la base
de la société inca, se disloqua, de même que les
très anciens aqueducs et autres infrastructures
d'irrigation.
Les conséquences de ces évènements se répercutèrent sur la population indigène du Pérou, et se traduisirent, entre les 16e et 18e siècles, par une chute démographique terrifante que l'historien péruvien Emilio Choy a estimé et résumé dans le tableau suivant :
1525 |
10 000 000 hab. |
1553 |
8 200 000 hab. |
1575 |
8 000 000 hab. |
1586 |
1 800 000 hab. |
1754 |
615 000 hab. |
La terrible chute de population,
enregistrée à partir de 1575, correspond à la
pacification définitive du Pérou et à la
généralisation du travail forcé dans les
encomiendas et les mines, où près de 5 millions
d'indiens furent engloutis en moins d'un quart de siècle ! Ce
génocide colonial organisés, l'un des plus grands de
l'Histoire - contre lequel tentèrent de s'élever les
oeuvres humanistes du frère Bartolomé de Las
Casas et du père José
de Acosta - contribua à
forger ce que l'on appelle la "Légende noire de l'Espagne" en
Amérique latine. La région la plus touchée fut
la côte, qui, encore actuellement, compte une population
indigène reduite.
Les épidémies venues d'Europe aggravèrent encore
le phénomène : la variole, apparue au Pérou en
1560 faucha les 4/5 de la population indigène de Lima et
Cuzco.
La religion catholique fut imposée
aux populations autochtones sous la contrainte (ce fut la phase dite
de "l'extirpation de l'idolâtrie") et le Pérou
administré avec une poigne de fer par des gouverneurs
coloniaux qui s'enrichirent en pillant sans vergogne les ressources
du pays au profit de la métropole.
Cependant, la culture et les traditions indiennes devaient survivre
jusqu'à nos jours. Dans les villages reculés, un
pourcentage encore très important d'Indiens continue à
ne parler que le quechua et l'aymara. Si une grande partie des
coutumes vestimentaires d'antan se sont perdues, persistent en
revanche des cérémonies et des fêtes d"origine
inca dont seuls les noms ont changé, afin de composer avec la
tradition chrétienne. Sans parler de l'artisanat et des
coutumes agricoles, les genres musicaux, tels le huayno ou le
yaravi, les carnavals et nombres de danses témoignent
encore d'une culture que rien n'a pu détruire.
Chronologie de la Conquête du Pérou de 1526 à 1570